vendredi 22 février 2008

Eric Baudelaire, Dreadful Details.

Que peut l’image ? C’est dans ce sens qu’Eric Baudelaire aborde la photographie dans son travail de création.

Etats imaginés retracent son parcours dans trois pays indépendants mais marginalisés par les rapports de pouvoir entre ces derniers et la Russie ancienne puissance dominatrice. Les divers lieux imagés, sans véritable importance, sont devenus des espaces d’expérimentation de l’outil photographique. Ces lieux, dont l’existence semble né de l’imaginaire du photographes, qui possèdent tous les appareils étatiques et symbolisent une forme de rapport détaché et complexe à la notion même d’Etat. Influencé par des auteurs comme J. Dérrida, l’auteur se dresse contre une architecture de la ruine et contre la structure préexistante du pouvoir politique. Son activisme politique vient imprégner son activité artistique car c’est ce rapport géo-politique, en perpétuelle redéfinition, qui lui permet de construire ses images.

Dans un rapport de construction/ déconstruction le photographe offre un photogramme sur la seconde guerre en Irak. Dreadful Details revisite toutes les images de guerre inscrites dans l’histoire de l’art. L’œuvre a été construite dans les décors de cinéma d’Hollywood, lieu où se rejouent tous les jours les images qui hantent nos écrans. On peut voir ces personnages perchés sur le balcon observant comme une pièce de théâtre la scène qui se joue devant eux. Cette fresque (209*375cm), le lieu d’exposition invite le spectateur à recevoir l’image comme tel, est présentée en icône des guerres modernes. La transformation de cette image en dyptique, par une césure au centre, brise l’unité d’ensemble. Chacune des scènes ne vaut que pour elle-même, elles traduisent, chacune, un cliché qui a sans doute traversé notre vision avec cette guerre d’images.

La question de la belle image est prise à bras le corps par le photographe car on se trouve dans une véritable mise en scène. Alors même que l’on se trouve dans une situation tragique, on n’observe aucun détail d’horreur. L’auteur a tout orchestré, du titre inspiré de la légende d’une photographie tiré du livre de Timothy O'Sullivan et Mathew Brady, Gardner's Photography Sketchbook of the war, 1865-1866 en passant par les peintures de guerre de Manet ou encore Jeff Wall et ses travaux sur la guerre en Afghanistan (1992). La particularité de cette image est son inscription dans la représentation historique de l’évènement.

L’image peut être un outil de dénonciation, elle doit servir au discours. Pourtant Eric Baudelaire refuse toute confrontation permettant d’impliquer le spectateur dans l’image. Il donne ainsi la possibilité au spectateur de réapprendre à voir, dans un semblant de beauté, une guerre qui se tait et s’oublie pour ne plus que prétendre à un hommage inaudible.

www.baudelaire.net

Aucun commentaire: